Les enfants dans les fêtes et les traditions lorraines

 

Si aujourd’hui on ne voit plus les enfants faire du porte-à-porte et demander quelque obole qu’au moment d’Halloween, le calendrier d’autrefois leur offrait maintes occasions d’aller de maison en maison pour chanter des chansons (souvent chansons de quête) ou raconter des histoires en contrepartie de piécettes ou de dons en nature. Les paroles et parfois les musiques de ces chansons, des gravures ou des objets attestent le rôle des petits Lorrains dans ces traditions aujourd’hui perdues ou en voie de l’être. En voici quelques exemples.

 

Janvier

Le jour de l’An

Dans la vallée de la Seille ou dans le canton de Fraize, on présentait ses vœux à ses voisins. C’étaient les pauvres ou les enfants qui se faisaient quêteurs d’étrennes. Voici plusieurs exemples de ces chansons :

Bon an qui vient
Qui vous apporte du pain
Tous les biens
Des noisettes pour les fillettes
Des noix pour les garçonnets
Bon an qui vient.
C’est aujourd’hui le Nouvel An (bis)
Je vous souhaite une bonne année
Et une parfaite santé
Refrain : Et une heureuse année
Et une parfaite santé
Et toutes sortes de prospérités

D’autres couplets peuvent s’ajouter à la deuxième chanson

C’est aujourd’hui le Nouvel An (bis)
Je vous souhaite une bonne année
Et une parfaite santé
Que Dieu bénisse votre maison (bis)
Et tous les gens qui sont dedans
Et les petits comme les grands
Que Dieu bénisse votre cave (bis)
Et tout le vin qu’il y a dedans
Et le rouge comme le blanc
Que Dieu bénisse votre écurie (bis)
Les animaux qui sont dedans
Et les petits comme les grands
Que Dieu bénisse votre jardin (bis)
Et tous les fruits qui sont dedans
Et les petits comme les grands

Une autre variante est chantée par les Gens de Lorraine et des enfants de la région

Bonne année qui vient
Qui apporte du pain
Et puis tous les biens
Des noisettes pour les filles
Et des noix pour les garçons
Bonne année nous vient

Les Rois

Dans quelques villages des Vosges, des enfants allaient la veille des Rois chanter de porte à porte la légende des Rois mages.

Nous sommes trois rois d’Orient
Qui venons d’un cœur riant
Dans le Judée
Pour adorer l’enfançon
Qu’avons eu en idée

Trois garçonnets affublés d’oripeaux et le front ceint d’une couronne de carton figuraient les rois. Le plus grand tenait une longue latte terminée par une étoile en papier doré. L’un avait la figure et les mains barbouillées de cirage ou de suie.

Ne vous étonnez de rien
Car c’est un Ethiopien
Qui ne recherche
Que d’adorer à genoux
L’enfant dedans la crèche

En Lorraine en général on suivait une coutume très proche. Pendant la semaine suivant l’Épiphanie, de jeunes garçons se réunissaient avec trois autres habillés – ou essayant de l’être- comme les rois mages de la tradition : tête couronnée de papier argenté, sceptre de bois doré à la main, ils suivaient le plus grand vêtu d’une robe blanche et portant une perche au sommet de laquelle brillait une étoile en fer blanc. Ils allaient de maison en maison contant la quête des rois mages à la recherche de l’Enfant Dieu. En guise de remerciement les bonnes gens glissaient quelques piécettes dans l’escarcelle attachée à la ceinture d’un des acteurs. A la fin tous se retrouvaient pour faire un bon repas.

 

Le Jeudi Gras

Les garçons allaient chanter devant chaque maison un couplet de la prose Stabat mater dolorosa. Près de Metz chaque garçonnet se fabriquait un sabre de bois et piquait à la pointe un petit bout de lard. Tenant leur arme comme un cierge les enfants allaient de porte en porte chanter une strophe du Stabat et récolter des dons en espèces ou en nature. Puis ils se partageaient l’argent et les victuailles récoltés.

 

Le Mardi Gras et le Carnaval

Le Mardi gras est le dernier jour du carnaval. Dans les villages le soir du Mardi Gras les jeunes gens quêtaient de maison en maison. Leur tournée terminée, ils se livraient à de fraternelles agapes appelées régaumèsses.

Les garçons se déguisaient, se couvraient la figure de suie et revêtaient de vieux habits de femmes. On les appelait les diales (diables). L’un d’eux portait une hotte, un autre un grand panier. Ils chantaient Mardi Gras n’a pas soupé. La ménagère leur donnait une tranche de lard, un saucisson ou des œufs. Et si la femme n’était pas assez généreuse, ils mettaient toute la cuisine sens dessus dessous. Voici cette chanson de quête

Mardi Gras n’a pas soupé
S’il vous plaît de lui donner
De la croûte ou du pâté
Coupez bas, coupez haut
Si vous n’avez pas d’couteau
Donnez-lui tout le morceau
On appelait mascarade le déguisement du carnaval.
Mascarade
A la triade
Tends ta gamelle
T’auras du miel
C’est aussi à cette occasion que l’on fait des gaufres ou des crêpes et que l’on chante :

Mardi Gras, Mardi Gras
Je f’rai des crêpes (bis)
Mardi Gras, Mardi Gras
Je f’rai des crêpes
Et t’en auras
ou pour terminer T’en auras pas

 

Le Mercredi des Cendres

Anciennement le jour des Cendres les jeunes gens façonnaient un mannequin de paille et l’habillaient de vêtements de rebut. Ils le promenaient en procession dans les rues de la localité et arrivés près de la fontaine ou du ruisseau, ils mettaient le feu à l’effigie et la jetaient dans l’eau. Cette coutume s’appelait brûler et noyer le Carnaval.

 

Les brandons

Un brandon est un long bâton au bout duquel on fixait une torche de paille de seigle imprégnée de matières graisseuses.

Dans le pays messin, le soir des P’tiots Brandons, les garçons s’assemblaient sur la place du village, tenant chacun un brandon qu’ils allumaient. Ensuite le groupe allait parcourir les vergers en chantant. Cette coutume tire son origine d’une ancienne cérémonie païenne destinée à protéger les arbres fruitiers des chenilles et des parasites. Elle avait lieu en général le 1er dimanche de Carême. On appelait ce jour le dimanche des Brandons, le dimanche des Bûles ou le dimanche des Bures.

 

La Semaine Sainte

Le Jeudi Saint

Dans les campagnes avait lieu ce jour-là la fête des chiads (fête des chiards). Comme au Jeudi Gras, les jeunes garçons armés de sabre de bois allaient trigouter (tricoter = frapper du bâton, le tricot) devant chaque maison où ils chantaient. En récompense les ménagères leur donnaient des œufs, du beurre ou du fromage. Á l’issue de leur tournée, ils se réunissaient chez l’un d’eux et faisaient des crêpes.

 

Le Vendredi Saint

Les Champs Golot

Dans les Vosges, le soir du Vendredi Saint, les enfants plaçaient des petits bouts de chandelles allumés dans des couvercles de boîtes à fromages et les posaient dans les ruisseaux. Pendant que les frêles esquifs s’en allaient au fil de l’eau, les gamins chantaient le couplet suivant annonçant que la période des loures (veillées) était passée.

En patois local, l'expression «lé chan golo» signifie que les champs "coulent", c'est-à-dire qu'ils sont libérés de la couche de neige et que les rigoles sont gorgées du trop-plein d'eau. Les enfants peuvent alors faire voguer toutes sortes de bateaux de fortune sur lesquels sont allumés des bouts de chandelles.

Les veillées se noient
Les toits gouttent
Pâques revient
C’est un grand bien
Pour les chats et les chiens
Et tous les gens
En même temps

À Epinal cette coutume s’appelait les Champs Golot.

Les champs golot
Pâques revient
C’est un grand bien
Pour la chatte et pour le chien
Pour les gens
Tout aussi bien

Le Samedi Saint

Anciennement les enfants apportaient avant l’office du matin les paumes ou palmes des Rameaux de l’année précédente qui avaient alors perdu leurs vertus bienfaisantes. Ils en formaient un tas à l’entrée du cimetière ou de l’église. Le soir, le prêtre en faisait un feu appelé feu de Judas. C’était la purification par les flammes des choses passées. Après la messe les crécelleurs effectuaient de porte-à-porte leur dernière tournée, avant le retour des cloches.

 

Pâques

La fin du Carême apportait la joie. Les enfants manifestaient leur plaisir en chantant sur l’air de la prose pascale :
Alléluia, mon cher Colas !
Les choux sont bons quand ils sont gras
Alléluia !

Ils chantaient aussi, en s’accompagnant de leurs crécelles :
Le Carême est enfin passé
Nous avons tous assez jeûné
Aujourd’hui maigre et demain gras
Alléluia, Alléluia !

Avec les œufs de Pâques (cuits durs et peints), petits et grands se livraient à de nombreux jeux : toc toc les ieux, à la mère ou à la mère cawire, é lé pyanche (à la planche), à la rigole, é lé tule (à la tuile).

 

Mai

Les Trimazos

La coutume du Trimazo le premier dimanche de mai se présentait généralement ainsi.

Une fillette jouait le rôle du coryphée (chef de chœur). Habillée de blanc, la chevelure ornée de fleurs et de rubans, elle allait, suivie de deux autres filles, également vêtues de blanc, par les rues ou dansaient devant les portes ou dans le corridor. À l’issue de la chanson, elle quêtait en l’honneur du mai. Le produit de la collecte, remis habituellement au curé de la paroisse, servait à entretenir l’autel de la Vierge.

L’origine du mot trimazo peut venir soit du celtique (tri mazot= trois enfants) soit des déesses mères latines, les trois Maïa, qui donnèrent leur nom au mois de mai.

La collecte se compose d’argent, d’œufs ou de chanvre. À maints endroits, le fait de refuser un modeste tribut en argent ou en nature courrouçait fort les représentants du mai. Le coryphée reculait. Les chanteuses se taisaient ou au contraire entonnaient des couplets d’imprécation, souvent en patois. On lançait en signe de malédiction des pierres dans le jardin ou dans le verger pour attirer la stérilité ou la misère sur l’habitation.

 

Il existe plusieurs versions des chansons du trimazo. En voici quelques-unes :

En revenant à travers les champs
Nous avons trouvé les blés si grands
Les avoines ne sont pas très grandes
Les aubépines sont florissantes
Au trimazo !
Refrain : C’est le mai, mois de mai, c’est le joli mois de mai
Au trimazo !
Oh bonnes dames de céans !
Faites l’aumône aux pauvres gens
Un œuf de votre poulailler
Ou quelques sous de votre bourse
Au trimazo !
Madame nous vous remercions
C’est pas pour nous que nous quêtons
C’est pour la Vierge et son enfant
Qui prient pour nous au firmament
Au trimazo !
J’avais chanté, je vas déchantant
Je vous souhaite autant d’enfants
Qu’il y a de pierres dans les champs
Ni pain ni blé pour les nourrir
Ni toile ni chemise pour les vêtir
Au trimazo !

Variantes :

Catherine ma belle enfant
Quand vous couchez votre enfant
Mettez-lui les pieds devant
La tête auprès de Saint Jean.
Jeune fille à marier
Faites-nous la charité
Et nous prierons Dieu de grand cœur
Qu’il vous envoie un serviteur

Juin

La Saint-Jean d’été

La fête de la saint Jean d’été coïncide avec le solstice d’été. Les Celtes célébraient de leur côté le dieu Bélenos, dieu de la lumière. Les feux qu’on allumait alors étaient un vestige du paganisme ; d’abord interdits par l’Eglise puis sanctuarisés ils évoquent la naissance de Saint Jean-Baptiste par un feu bénit. Ces cérémonies sont qualifiées de jouannées.

Voici le récit d’un feu typique de la Saint Jean près de Metz au début du XIXème siècle :

« La veille de la Saint Jean, c’est un grand remue-ménage dans le monde des jeunes gens du village, garçons et filles, et plus encore chez les enfants. Toute la journée, on travaille comme de coutume ; seulement on rentre un peu plus tôt (…) Les garçons empruntent une voiture à ridelles à quatre roues : ils s’y attellent, d’autres poussent et font le tour de la localité s’arrêtant devant chaque maison pour quêter un fagot de combustible léger. L’un d’eux monté sur le char aarange quelque peu la charge qui monte rapidement, et l’attelage humain dévale par les rues à pleine course, au milieu des cris et des sauts de la jeunesse. Justa avant la tombée de la nuit, la voiture atteint la place traditionnelle, toujours au milieu des cris assourdissants d’une foule de gamins et de gamines. Une haute perche y a été plantée, vite paille et fagots sont jetés et entassés méthodiquement autour de la perche sur trois étages. Tout est prêt, la nuit est déjà sombre. L’un des garçons enflamme une allumette et la glisse dans la paille tapissant le sol sous le bûcher. Une fumée blanche s’élève, intense mais bientôt la flamme jaillit, claire et haute ; alors ce sont des cris, des bonds de joie, des applaudissements. Et lorsque la flamme atteint le sommet de la bûle, tout le monde pêle-mêle forme une ronde énorme.

Quand le bûcher s’effondre, des gerbes d’étincelles jaillissent dans toutes les directions, faisant reculer les plus intrépides, la ronde est rompue et commencent alors les sauts des garçons à travers un coin de brasier. On se précipite pour avoir un tison enflammé que l’on éteignait après l’avoir avivé en l’agitant dans l’air ; ces tisons sont des porte-bonheur. Mais maint garçon s’en sert pour faire peur aux jeunes filles… » (Chanteclair, le Chevalier de la Bûle, 1909)

 

Les assistants dansaient autour des flammes en chantant des rondes traditionnelles. En voici deux exemples

Refrain : Voici la Saint Jean et la Saint Pierre
Voici la Saint Jean de l’été
Mon père m’a mariée
A un vieillard il m’a donnée
Ne sait ni battre ni faner
Il ne sait qu’à la foire aller
Il n’a su me rapporter
Qu’un gros bâton d’amour ferré
Il dit que c’est pour m’en donner
Mais s’il me bat je m’en irai

Mon père m’a mariée à un tailleur de pierre
Voici la Saint Jean d’été
Voici la Saint Jean et voici la Saint Pierre
Voici la Saint Jean d’été
Première nuit de nos noces
V’là qu’il s’est sauvé
Voici la Saint Jean d’été
Voici la Saint Jean et voici la Saint Pierre
Voici la Saint Jean d’été
Il m’a rien laissé
Pas même pour manger
Voici la Saint Jean d’été
Voici la Saint Jean et voici la Saint Pierre
Voici la Saint Jean d’été

Août

L’Assomption (15 août)

A l’occasion de la procession de la Sainte Vierge, les filles et les fillettes portaient des couronnes de pâquerettes. On gardait précieusement ces fleurettes car, séchées, elles guérissaient les porcs malades.

 

Septembre

Les vendanges

Aux temps anciens la dernière voiture de la vendange, qui portait une cuve remplie de grappes de raisin, était une fête. Les hommes portaient des couronnes de feuilles de vigne, les femmes s’en piquaient dans les cheveux. ON tenait des bouquets de sarments garnis de grappes et de rubans de toutes les couleurs. Et l’on rentrait, chantant et dansant autour de la voiture. Précédant le cortège, un jeune homme -un des plus forts- portait dans son tendelin (grande hotte en bois) la reine des vendanges. C’était une fillette, couronnée de pampres et parée de rubans. Des enfants, en escorte joyeuse, criaient, sautaient, se livraient à mille gambades.

 

Des chansons étaient rattachées à ces réjouissances

L’envie me démange d’aller en vendanges
De grappillonner dans mon p’tit panier percé
Refrain : Allons en vendange, les raisins sont beaux
Nous étions trois filles dedans un château
Mon père nous fit faire chacune un manteau
J’étais la plus jeune et j’eus le plus beau
Je dis à mon père : « Mariez-moi s’il faut »
« Attendez ma fille jusqu’au vin nouveau.
Le blé sera-t-en herbe, le vin en tonneau.
Nous f’rons de la tarte et puis du gâteau ;
Au son du violon nous danserons en rond »

Novembre

 

La Toussaint

Dans le pays messin, le jour de la Toussaint, les enfants parcouraient les rues en agitant des clochettes et en rappelant l’arrivée du Jour des Morts, afin d’exhorter les gens à la prière. Dès la fin des vêpres, les garçons sonnaient le glas.

Sortir de chez soi le soir de la Toussaint est de la dernière imprudence. Car à ce moment-là, tous les trépassés quittent leurs tombes pour se rendre dans les lieux où ils vécurent. En rangs serrés, visibles ou invisibles, ils sillonnent les chemins. Vous ne feriez pas un pas sans vous heurter à ce lugubre cortège. Vous risqueriez même de les piétiner tellement ils sont serrés.

Chez les Celtes on fêtait Samain la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Elle marquait l’entrée dans la saison sombre, froide et triste. Fête du passage du monde de la lumière à celui des ténèbres, la nuit de Samain a toujours été associée au passage du monde des vivants à celui des morts. Elle a été perpétuée par les émigrants irlandais pour devenir Halloween aux Etats-Unis.

En Lorraine plus qu’ailleurs les traditions liées à cette fête celtique ont perduré avec une étonnante vivacité. Les Lorrains pensaient en effet que les âmes des morts erraient dans les campagnes la veille de la Toussaint. Le 31 octobre nombreuses étaient les familles qui prenaient soin de laisser une bûche dans la cheminée et un peu de nourriture sur la table à manger pour les bons esprits. Il n’était pas rare également que pour éloigner les mauvais esprits et laisser les âmes des morts reposer en paix on accrochât devant sa porte une citrouille creusée dans laquelle on disposait une bougie.  C’était aussi le début de la saison des loures (veillées).

 

La Rommelbootzennaat ou nuits des betteraves grimaçantes

Dans la région de la Nied et en Lorraine thioise, on creusait des betteraves (ou lisettes), derniers légumes récoltés pour en faire des lanternes qui, disposées aux portes, aux fenêtres, sur les margelles des puits ou à l’intersection des chemins, devaient effrayer les passants et repousser les petits enfants.

 

Décembre

Noël et la Saint-Jean d’hiver

Autrefois le 25 décembre était non seulement le solstice d’hiver mais on y fêtait la Saint Jean d’hiver, fête de Saint Jean l’Évangéliste et pendant de la Saint Jean d’été, fête de Saint Jean-Baptiste. Or les Romains célébraient à cette même date Sol invictus, (soleil invaincu), ce qui a certainement joué dans le choix du jour de la naissance du Christ, nouveau soleil, et relégué la Saint Jean d’hiver au surlendemain de Noël.

Si les feux de la Saint Jean d’été ont conservé leur aspect original, ceux de l’hiver, originellement célébrés en plein air, se transformèrent en une solennité d’intérieur à cause du froid.

D’abord transportée dans les églises, continuée dans les maisons, en petit groupe, la bûle, réduite à des proportions symboliques, devint la bûche de Noël. Dans le pays messin, à la tombée du jour, on prenait une collation, avec une tranche de gâteau. Après ce repas frugal, les membres de la famille et les domestiques revêtaient leurs habits du dimanche et deux hommes ou garçons se rendaient au bûcher. On choisissait le tronc bien sec d’un vieil arbre fruitier ou d’un chêne. On en sciait une bûche que l’on parait joliment de guirlandes de lierre. Le père ou le maître la promenait dans la maison, suivi du reste de la famille. On arrosait la bûche par trois fois de vin ou d’eau bénite pour éloigner les mauvais esprits. Puis on la mettait au feu en prenant soin qu’elle ne se consume que par une seule extrémité, toujours la même. Elle devait brûler jusqu’à l’Épiphanie soit douze jours figurant les douze mois de l’année.

Dans la région de Nancy, avant d’aller se coucher, l’assistance attendait l’entière combustion de la bûche. On imaginait ainsi avoir brûlé toutes les iniquités de l’année passée. Dans ce cas elle n’était pas conservée jusqu’aux Rois.

Comme ceux de la bûle de l’été, les charbons de la bûche de Noël possédaient maintes vertus, comme protéger de la foudre ou de l’incendie dans la maison, ou augmenter la fertilité et éloigner la vermine dans les champs et les jardins.

 

Le docteur Westphalen a rapporté ce jeu du pays messin : souffler le charbon

C’était un amusement auquel se livraient les enfants, les jeunes gens et les jeunes filles. On prenait un charbon ardent de la bûche de Noël, y enfonçait une épingle attachée à un fil que l’on accrochait moyennant un clou à une poutre du plafond Un garçon et une fille se plaçaient devant le charbon, l’un vis-à-vis de l’autre puis chaque joueur soufflait sur la braise et chercher à l’envoyer dans le visage de son partenaire. Celui qui avait le bout du nez brulé donnait un gage. Lorsque le charbon s’éteignait ou tombait à terre, le jeu était terminé.